La baignade sauvage et moi
Pourquoi je nage en plein air toute l’année ? Parce que ça me rend présente, connectée, vivante.
La baignade sauvage et l’amour de soi
Pourquoi je nage en plein air toute l’année ? Parce que ça m’apporte une joie irrépressible. Parce que ça me reconnecte à mon moi profond.
Si je n’ai jamais aimé la course à pied et si je suis toujours restée une randonneuse occasionnelle, je suis devenue, presque malgré moi, une nageuse.
Ce n’est pas une question d’exercice physique. Je n’aime pas ce mot de toute façon. Pour moi, faire de l’exercice revient à voir son corps comme une machine qui abrite notre cerveau. Mon corps n’est certainement pas une machine : c’est moi.
Faire 40 longueurs à la nage, soit 1 km, à la piscine est un défi que j’aime relever. Pourtant, il y a plus de six mois que je ne suis pas allée à la piscine, à cause de la pandémie, et ça ne manque pas.
En revanche, empêchez-moi d’aller me baigner en plein air et je trépigne d’impatience au bout de quelques jours seulement.
I need this wilderness for my heart to beat.
J’aime sentir mon corps glisser dans l’eau et s’abandonner à l’étreinte froide de la mer (ou lac ou rivière).
J’aime regarder les doux remous créés dans l’eau par mes mains quand je nage la brasse.
J’aime sentir mes muscles en plein effort quand je nage le crawl.
J’aime m’enfoncer sous la surface et entendre la rafale de bulles d’air quand je plonge tête la première.
Quand je nage en plein air, je me sens vivante.
Tous les sens en éveil.
Le corps en mouvement.
L’esprit en paix.
Peu importe combien de temps je reste dans l’eau ou quelle distance j’ai parcourue (en général, ni l’un ni l’autre ne sont mirobolants !). Invariablement, à ma sortie de l’eau, je me sens invincible. Et cette sensation dure toute la journée.
Il faut du courage pour nager en plein air, mais aussi de l’humilité. L’eau ne peut être ni contrôlée ni domptée. L’eau, que ce soit la mer ou une rivière ou un lac, exige le respect. On n’est jamais que ses invités.
La baignade sauvage me reconnecte à mon corps, me ramène à l’instant présent, et mon mental toujours préoccupé est forcé de s’arrêter pendant un moment.
La baignade sauvage est bonne pour le moral
Un matin du mois de mai, pendant le confinement, je me suis réveillée fatiguée et morose après une nuit tourmentée. C’est là que j’ai remarqué qu’un des arbres du voisinage avait disparu de la ligne d’horizon. Tombé, comme plusieurs autres arbres de haute futaie, par les nouveaux propriétaires de la maison où il se trouvait.
Il y avait peut-être une justification parfaitement rationnelle pour tomber un arbre aussi majestueux. Magré tout, mon cœur se brisa à la pensée de tous les oiseaux et autres animaux dont l’habitat avait été tronçonné en quelques minutes à peine. Un autre acte de guerre contre la nature.
Le cœur lourd et les larmes aux yeux, je suis descendue à la plage avec Sirène. Dans les flots bleus je me suis submergée, et mon tourment intérieur s’est immédiatement dissous dans l’eau salée.
La mer s’étirait comme un miroir sous le soleil matinal : calme, claire, froide. Pour la première fois depuis plusieurs mois, je nageai pour de bon : le crawl, la tête sous l’eau, glissant dans l’eau cristalline… jusque qu’à ce que le froid me monte au cerveau ! A regret, je ressortis, l’esprit aussi limpide que l’eau lisse.
On ne regrette jamais une baignade.
La baignade sauvage et l’esprit de communauté
J’ai déjà mentionné plusieurs fois ma bande de Greystones Seagirls (suivez-nous ici sur Instagram), ce groupe fabuleux de femmes avec qui je nage toute l’année à la crique de Greystones. Ces sirènes partagent un amour de la baignade en mer, et du thé et des biscuits partagés après une trempette dans la froide mer d’Irlande.
Trouver ma tribu, après six ans passés ici, a été un des effets secondaires les plus inattendus de la baignade sauvage.
Pour être honnête, en ce moment, l’idée de nager en plein air pendant tout l’hiver me remplit de terreur. Est-ce que j’ai vraiment envie de m’imposer à nouveau cette épreuve ?
Mais la chaleureuse amitié des Greystones Seagirls rend la chose agréable. Alors je continuerai d’aller à la mer. Pour me sentir connectée et soutenue. Pour ce sentiment d’appartenance.
En octobre, Brian et moi avons commencé à aller nager à l’aube une fois par semaine. Notre quatrième “baignaube” s’est avérée inoubliable, tout simplement.
Le soleil refusa de se montrer les trois premières fois. Mais ce mercredi-là, l’aube fut spectaculaire. Comme le soleil se levait lentement au-dessus des rochers, il y avait une ambiance de festival sur la plage, avec des nageurs savourant la douce lumière de l’aube et les frissons d’excitation de l’après-baignade.
En plein vol
C’est rare que je saute des rochers de la plage. En fait, jusqu’à ce matin-là, je ne l’avais fait qu’une fois. Mais ce jour-là, après avoir flotté un moment dans les réflections rosées d’un lever de soleil époustouflant, j’eus envie de prendre mon envol.
Brian et moi avons gravi les marches en béton, et je suis passée la première. En quelques pas, je m’avançai jusqu’au bout du rebord en béton qui couvre le rocher.
Un regard en arrière vers Brian.
Puis un regard sur la droite où le soleil semblait suspendu au-dessus des flots calmes.
Un dernier regard en contrebas où l’eau tourbillonait sous les rochers.
Le béton était froid sous mes pieds nus. La brise fouettait ma peau mouillée. Mon cœur battait la chamade.
Je m’élançai.
Sirène (ou sorcière de mer, comme il s’est avéré plus tard !), suspendue pour un instant entre le ciel et la mer.
Puis je m’enfonçai sous l’eau et quand je remontai pour reprendre mon souffle, je laissai échapper un soupir de soulagement et un cri de joie. La mer paraît toujours plus chaude après y avoir plongé. Comme une étreinte de soie et de sel.
Les étoiles (et le soleil !) étaient alignées ce matin-là. Par chance, le photographe Niall Meehan m’a capturée en plein vol. Dans l’après-midi, quand sa photo a été partagée sur les réseaux sociaux, les réactions ont été extraordinaires.
Puisque Halloween approchait, ma copine Annie m’a changée en sorcière dans cette Insta Story sur le compte des Greystones Seagirls.
Il m’a fallu plusieurs jours pour retomber sur terre. Telle était l’euphorie créée par cette baignade magique, capturée pour la pérennité par la main experte de Niall.
(Pour découvrir les images de Niall, rendez-vous sur SeaStudio.ie, ou @niall_seastudio sur Instagram.)
La baignade sauvage, une activité pleine nature
Flotter entre ciel et mer me reconnecte à la terre. N’est-ce pas fascinant ? Quand je suis dans l’eau, je suis partie prenante de l’univers.
La baignade sauvage est à la fois calmante et stimulante.
A la fois mouvement et immobilité.
A la fois s’armer de courage et lâcher prise.
Après une baignade en plein air, je me sens revigorée, exaltée, nourrie. Me jeter à l’eau ne manque jamais de me donner une bonne dose de vitamine N (Nature). C’est ce qui m’a aidée à supporter l’incertitude et les bouleversements de la pandémie. En plus, mon système immunitaire semble plus efficace que jamais. Je ne vais pas m’en plaindre en cette année pas comme les autres.
La baignade sauvage assouvit mon appétit de connexion. Connexion à moi-même, à celles et ceux qui m’entourent, et à cette planète si incroyablement belle.
Voilà pourquoi je nage.
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